Que va choisir le marché en 2018 : Croissance économique ou hausse des taux ?

février 2018

Après un début d’année pour le moins agité des marchés financiers, revenons à l’analyse de quelques fondamentaux pour aider à la mise en place d’une nouvelle stratégie d’allocation d’actifs. Si on analyse ce qui s’est passé au cours de ces deux premiers mois, nous avons eu deux phases bien distinctes et simples à décrypter. Le premier mois s’est déroulé dans le prolongement de l’année 2017 à savoir la poursuite d’une très forte progression des indices actions aux Etats-Unis et en Europe. Cette hausse pouvait se justifier par des perspectives macro-économiques favorables, une accélération en Europe et une nouvelle stimulation de la croissance américaine par le biais des incitations fiscales votées par les chambres américaines et par l’annonce des hausses des budgets d’investissement. Les investisseurs ont aussi projeté des améliorations de résultats des entreprises en 2017 et des progressions encore plus favorables pour 2018. Tout ceci semblait logique et cohérent à un détail près. Une des erreurs était de faire fi du niveau de valorisation surtout aux Etats-Unis qui pouvait sembler excessif.

Février, d’une façon soudaine et brutale a stoppé cette trop belle histoire en prenant comme facteur déclencheur, la hausse des salaires US, entraînant une remontée de la volatilité des marchés et des taux souverains. Ces deux dynamiques contradictoires risquent de continuer à caractériser l’évolution des marchés sur toute l’année 2018. Le combat va se résumer entre potentiel de croissance et dynamique des taux, ce qui signifie une nouvelle fois que les dates des réunions des banques centrales vont constituer des points cruciaux et, à l’image de ce qui vient de se passer, les mouvements à la hausse ou à la baisse risquent d’être élevés. Avec le retour de ces incertitudes, le marché va devenir aussi beaucoup plus « technique », donc plus difficile.
La semaine a marqué un fort mouvement de reprise : +3,03% pour l’Eurostoxx50, +3,98% pour le CAC 40 et +2,85% pour le DAX. Les marchés américains sont également repartis à la hausse, le Dow Jones affichant une hausse de +4,25% et le Nasdaq de +5,3%, regagnant une partie du terrain perdu depuis le début de l’année.

Un critère déterminant de 2018 : l’évolution de l’inflation US

Les chiffres de l’inflation US en janvier ont été publiés jeudi dernier et sont supérieurs aux attentes : inflation totale (2,1%, contre 1,9% estimés par le consensus) et inflation sous-jacente (hors énergie), à 1,8%, contre 1,7% anticipé. Ces chiffres ont logiquement contribué à la poursuite de la remontée des taux souverains et ce mouvement devrait se poursuivre sur l’année ne serait-ce aussi que par l’effet technique de la réduction des achats d’actifs de la BCE et de la Banque du Japon.

Les chiffres de l’inflation US et le rythme depuis plusieurs mois font que la cible des 2% sera rapidement atteinte. L’exercice qui consiste à actualiser sur un an les 3 derniers chiffres publiés aboutit à une inflation de l’ordre de +2,9%, un plus haut depuis 7 ans.
L’amélioration continue de la croissance économique se transmet dans les prix de vente et les entreprises parviennent à répercuter la hausse des coûts sur les clients finaux. Cette grille de lecture est instructive car elle confirme qu’en termes d’allocation d’actifs nous devons rechercher des valeurs ou des secteurs qui ont la capacité de passer des hausses de prix. Certains secteurs sont loin de cette possibilité comme les services pétroliers où l’on constate cette semaine encore les difficultés des sociétés comme Bourbon (-3% sur la semaine) ou CGG (-22%, mais avec un effet technique lié à l’augmentation de capital en cours). Cette hausse de l’inflation sur le moyen terme est aussi le résultat de la difficulté à trouver de la main d’œuvre. Nous assistons surtout aux Etats-Unis à un « turnover » important des salariés qui changent d’emploi en bénéficiant de salaires plus élevés. Il ne faut néanmoins pas surestimer cette progression car d’autres facteurs qui limitent la hausse de l’inflation sont toujours en place (démographie atone, faible productivité, «ubérisation» de l’économie et montée en puissance d’embauches à faibles contenus qualitatifs comme les aides à la personne). Ces données vont directement influencer le resserrement monétaire prévu par la FED. La première hausse devrait avoir lieu en mars et sera suivie par deux ou trois nouvelles hausses. Nous allons très certainement retrouver une forte sensibilité des marchés lors de ces annonces et le marché devra retrouver ses marques avec le discours du nouveau président de la Fed. La situation pourrait se complexifier par la suite car avec le retour du plein emploi, la croissance économique US pourrait s’affaiblir : baisse du niveau élevé des investissements, effet négatif de la hausse des taux d’intérêt sur l’économie et arrêt de l’«effet de richesse» lié à la fin de la hausse du marché des actions.

Pour l’instant, les statistiques économiques sont toujours bien orientées et sortent au-delà des attentes surtout aux Etats-Unis. Ainsi, le secteur de la construction affiche une dynamique solide, et la confiance des consommateurs (indice de l’université de Michigan) est en progression (99,9 vs 95,7 le mois dernier) et s’inscrit au-dessus des attentes profitant du vote de la réforme fiscale.

Finalement l’enjeu des prochains mois est simple : la croissance économique va-t-elle prendre le relais de la politique accommodante pour assurer la stabilité des marchés financiers ? Les gérants devront faire preuve d’un grand discernement dans les investissements et s’il semble logique de revenir sur l’Europe, nous devrons être attentif à l’évolution des prochaines données économiques. Pour l’instant les flux sont positifs en faveur d’achats d’actifs risqués en euro ce qui contribue à la progression de la monnaie. Les grands problèmes ne sont toutefois pas réglés : le taux de chômage structurel reste élevé, les gains de productivité sont faibles, l’Europe se désindustrialise entraînant des difficultés liées au déficit commercial extérieur sans parler des questions politiques liées à la construction européenne.

Des résultats d’entreprises soutiennent la remontée des marchés

La reprise des marchés cette semaine est aussi la conséquence de la publication de résultats d’entreprises favorables. On notera les très bons chiffres d’Airbus, avec le triplement de son bénéfice à 2,9 Md€, et ceci en dépit d’une nouvelle charge de 1,3 Md€ liée aux difficultés de l’A400M. Sur la semaine, son cours a progressé de +14,5%. La publication des chiffres d’EDF a été saluée favorablement en raison de la poursuite des plans de restructurations (+5,5%).
Renault a annoncé de très bons résultats avec un record du nombre de véhicules vendus et de sa marge opérationnelle. Le groupe se montre confiant pour 2018 et maintient sa prévision de croissance de la demande automobile mondiale de +2,5%. Cette bonne tenue du marché automobile mondial a été confirmée par Faurecia qui se montre confiant pour 2018. Danone a présenté des résultats satisfaisants et va continuer à améliorer sa rentabilité. Le groupe a toutefois confirmé les propos de Nestlé, à savoir une intensité concurrentielle de plus en plus forte dans le secteur. Les secteurs défensifs ne seront donc pas forcément ceux à privilégier pour 2018.
Dans les publications négatives, on notera celles d’Air France, qui confirme une très forte compétition au niveau de l’ensemble des compagnies aériennes, victimes aussi de la hausse des coûts, en particulier le prix du carburant. Les résultats de Vivendi ont déçu, les chiffres de Canal + sont très décevants et la stratégie de Vivendi reste assez floue.

Poursuite de la normalisation du marché sur ce premier semestre

La secousse du début février a cette semaine perdu de son intensité. La stratégie d’investissement 2018 sera liée à l’évolution de la macro-économie, (à sa capacité à montrer des signes d’amélioration), et au risque de hausse de l’inflation. L’évolution des marchés américains donnera la direction. Ainsi, les prévisions de croissance des résultats pour 2018 aux Etats-Unis ont fortement augmenté passant de 12 à 18,5% depuis fin décembre, désormais la réforme fiscale est intégrée par le consensus. Sur ce premier semestre, nous devrions assister à la poursuite de la normalisation des marchés, l’évolution du deuxième semestre sera alors liée à la dynamique de croissance et pourrait être, en particulier aux Etats-Unis, plus délicate.

Source : Lettre hebdomadaire n°18, lundi 19 février 2018 Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex

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