Retour des aléas politiques et la liquidité des marchés est faible

juin 2019

Cette semaine écourtée a été plus calme sur le front des discussions commerciales et cela nous permet en cette fin de premier semestre de revenir sur quelques fondamentaux économiques et financiers. Cette pause remet en lumière quelques craintes que l’on peut avoir quant à l’évolution des marchés financiers. Il est ainsi surprenant que les risques liés au ralentissement de la croissance économique aient eu assez peu d’effet sur les marchés, la volatilité restant très maitrisée. L’indice Vix, « indicateur de la peur » de Wall Street qui mesure la volatilité des prix des options, reste assez bas par rapport à l’étendue des incertitudes actuelles, il est autour de 16 contre une pointe à 35 à fin décembre 2018 et 80 fin 2008. L’indice de surprise économique de Citi (qui reflète l’écart des performances entre les données économiques publiées et les attentes) est depuis longtemps en territoire négatif, confirmant que les données économiques sont décevantes depuis très longtemps.
Les dernières statistiques décrivent une économie moins vigoureuse surtout aux Etats-Unis en partie par la dissipation du stimulus fiscal. Le dernier rapport sur l’emploi a déçu et l’inflation est trop basse vis-à-vis de la cible. L’autre point d’inquiétude est l’inversion de la courbe des taux US, les rendements du Trésor à long terme sont inférieurs à ceux à court terme. Cela a historiquement annoncé des récessions économiques, avec selon la courbe de la Fed de New York une probabilité à 30% d’une récession au cours des 12 prochains mois. Cela explique pourquoi certains analystes recommandent une plus grande prudence sur les marchés financiers. La raison pour laquelle ces derniers réagissent assez peu est qu’il existe de la part des investisseurs un risque à parier contre les banques centrales. Finalement, les risques sous-jacents sont mal valorisés puisque le « baume monétaire » est là pour calmer les plaies. Cet état d’esprit est assez dangereux pour au moins deux raisons. La première est que la Fed, et c’est encore plus vrai pour la BCE n’a pas encore reconstitué une grande marge de manœuvre par rapport à l’avant-crise de 2008, puisque les taux restent encore très faibles. La deuxième raison, peut-être la plus grave est la question de la liquidité des marchés. La liquidité se définit comme la capacité de négocier sans trop déplacer les prix. En ce sens, de nombreux marchés semblent s’être asséchés au cours des dernières années, et en particulier le marché obligataire. Ainsi, les investisseurs interrogés par JPMorgan le mois dernier ont déclaré que leur plus grande crainte était « l’effondrement de la liquidité du marché », devant les risques politiques tels que les guerres commerciales.
L’ensemble des places boursières a ainsi connu une stabilité la semaine dernière : l’Eurostoxx50 s’est stabilisé à +0.02%, le CAC à +0,07% et le DAX à +0,41%. Le Dow Jones affiche également une hausse modérée de +0,41% et le Nasdaq de +0,70%. Enfin, le Nikkei a aussi enregistré une progression de +1,11%.

Un nouveau parfum de crise au Moyen-Orient autour de l’Iran

Le président des États-Unis, Donald Trump, a accusé en fin de semaine, l’Iran d’être à l’origine des attaques contre deux pétroliers dans le golfe d’Oman. Hassan Rouhani, le président iranien, a rejeté ces accusations et a déclaré que Washington était un danger pour le Moyen-Orient. Les Etats-Unis ont « perturbé toutes les structures et règles internationales en adoptant une position agressive », a-t-il ajouté. M. Pompeo, le secrétaire d’Etat américain a indiqué que les Etats-Unis avaient fondé leurs accusations sur la base de renseignements, des armes utilisées lors de l’attaque et de sa sophistication. Immédiatement après cette attaque, les prix du pétrole ont crû mais ont reculé depuis. L’indice de référence international, le Brent est revenu à 62 $ le baril vendredi soir, 2 dollars au-dessus du prix du baril avant les incidents. Un des arguments avancés pour justifier cette relative stabilité des prix dans ce contexte de crise internationale est que les intervenants de ce marché sont encore plus inquiets de l’impact négatif sur les prix du pétrole de la poursuite de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Ces nouvelles tensions dans le Golfe sont aussi quelque part banalisées car elles succèdent à une série d’attaques contre les infrastructures pétrolières et des cibles civiles en Arabie saoudite et dans les Émirats arabes unis. Ces deux alliés ont tenté de contenir ce qu’ils considèrent aussi comme une ingérence iranienne au Moyen-Orient. Riyad et Abou Dhabi ont ainsi salué le durcissement des sanctions américaines sur les exportations de pétrole brut iranien et la décision de Washington d’augmenter sa présence militaire dans le Golfe. Des milices iraniennes Houthi ont lancé une attaque au missile contre un aéroport du sud de l’Arabie saoudite. Quatre pétroliers ont été sabotés au large des côtes des Emirats Arabes Unis le mois dernier, ce que M. Bolton a aussi imputés à l’Iran, et un drone houthi a visé un pipeline pétrolier saoudien.

Cette région est une zone de production importante de pétrole et de gaz, avec l’Arabie saoudite, deuxième producteur mondial de pétrole, et le Qatar, premier producteur de gaz naturel liquéfié. C’est aussi une zone de transit importante, avec 35 % du pétrole mondial qui passe dans le détroit d’Ormuz, ainsi que 20 % du commerce global de GNL. Cette région est donc très sensible, une guerre des tankers entre les Etats-Unis et l’Iran, entre 1984 et 1987, a déjà eu lieu au cours de laquelle plusieurs centaines de bateaux avaient été attaqués. Il y a aussi un problème de délimitation des zones territoriales et des eaux internationales, notamment entre les Emirats arabes unis et l’Iran avec des problèmes juridiques, politiques et militaires.

Selon quelques observateurs avertis, les Etats-Unis dans la région ont un passé de falsification des preuves, notamment sous l’ère Bolton, actuel conseiller de Trump et ancien conseiller de George W. Bush. La crédibilité des Etats-Unis est ainsi très faible. On est là en pleine guerre de propagande et de l’information entre les médias occidentaux et les médias iraniens. L’Iran, de son côté, insiste sur les sanctions et l’embargo pétrolier américain, qui sont perçus comme un acte de guerre. Très clairement, les Etats-Unis souhaitent renverser le régime pour « libérer » le peuple iranien d’un pouvoir autoritaire. Le rapport de force militaire n’est pas exclu même si aujourd’hui le gouvernement US se cantonne à des sanctions économiques et à un embargo pétrolier. Cela rend le président Trump encore plus impopulaire que le pouvoir théocratique iranien dans la population car ces mesures restrictives impactent l’homme de la rue. Le régime iranien est dans une situation compliquée : comment répondre à l’administration américaine sans menacer sa survie ? Il doit composer entre le mécontentement populaire en raison de la crise économique et le risque d’escalade militaire avec Washington. Bref, cette actualité à risque devrait encore durer assez longtemps et pourrait perturber les marchés cet été.

Le message de la Fed ce mercredi sera très attendu

En mai, qui constitue les huit premiers mois de l’année fiscale américaine, le déficit du budget fédéral ressort à 739Md$, soit +38% sur un an. Le déficit devrait ainsi atteindre entre 4.5% et 5% du PIB en fin d’année contre 3,8% en 2018. Cette dégradation est liée à la mise en place de la réforme fiscale de Trump. Ce dernier, bientôt à échéance d’un an de son mandat devrait avoir à affronter une situation économique et budgétaire beaucoup plus défavorable et il se retrouve aussi en situation politique plus délicate. Le recul quant à la mise en place des droits de douane avec le Mexique est d’ailleurs du à l’opposition des milieux industriels et politiques. Le message envoyé à la Chine, à l’Europe et à tous les autres pays engagés dans une négociation avec les États-Unis est assez calamiteux. Ces négociations demandent un minimum de bonne foi du camp adverse, ce qui est loin d’être le cas chez Trump.
Le marché sera très attentif la semaine prochaine à la réunion du FOMC les 18 et 19 juin. Les marchés de taux valident le fait qu’il y aura une, voire plusieurs baisses d’ici la fin de l’année, avec une première en juillet.
La valorisation des actions résiste bien comme si cet assouplissement monétaire avait déjà eu lieu. Dans la mesure où ce geste constiturera l’affirmation d’une « assurance » de la banque centrale, les marchés pourraient s’en trouver satisfaits à court terme. A moyen terme, tout va dépendre de l’intensité du ralentissement et de l’évolution des aléas politiques que ce soit au niveau de la guerre commerciale qu’à ce qui pourrait être une nouvelle crise du golfe. L’incertitude reste donc assez forte ce qui devrait accroître la volatilité des marchés.

Source : Lettre hebdomadaire n°76, lundi 17 juin 2019 – Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex

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