Liquidités et commerce mondial : les difficultés de 2018 devraient perdurer en 2019

janvier 2019

Malgré la plupart des pronostics favorables de début d’année, les marchés financiers en 2018 auront connu des baisses marquées pour les principales classes d’actifs, actions et obligations et la plupart des zones géographiques ont été touchées. La baisse des actions en 2018 est ample et s’analyse en premier lieu par une crise de liquidités. Par rapport à une stratégie des politiques monétaires un peu moins accommodantes, surtout au niveau de la FED, la recherche de liquidités est devenue la préoccupation principale des investisseurs. Cela explique l’échec des placements obligataires, l’élargissement des spreads est plus le résultat d’une absence de profondeur de marché que d’un stress sur la solvabilité des entreprises. Cette contrainte de liquidités se matérialise aussi dans l’écart de performance entre les Large Caps (CAC 40 en baisse de -11% en 2018) et les Small & Mid Caps (CAC Mid & Small et CAC Small en reculs de -22% et -27%). Les marchés ont aussi réagi aux questions politiques et aux évolutions des relations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis.
En ce début d’année 2019, ces deux facteurs de risques, la liquidité et les craintes sur un ralentissement de croissance, devraient perdurer. Nous entrons dans une phase d’incertitudes concernant les politiques économiques qui vont être menées de par le monde, avec l’expression politique d’un populisme généralisé qui se traduit économiquement par l’attrait du protectionnisme. En particulier, cette action menée par les Etats-Unis touche les pays exportateurs que sont la Chine et l’Allemagne, qui vont devoir modifier leur modèle de croissance.
Les investisseurs vont suivre aussi les stratégies des banques centrales et celle de la Fed. Jerome powell s’est voulu rassurant vendredi dernier en affirmant que la Banque centrale « resterait patiente » concernant l’évolution des taux d’intérêt. « La politique monétaire n’est pas sur une trajectoire préconçue » a-t-il poursuivi entrainant une reprise des marchés puisque Powell confirme qu’il va suivre les conditions de marché et qu’il reste disposé à intervenir pour sauver l’économie américaine.
Les marchés financiers ont ainsi connu sur l’année des mouvements très différenciés avec une forte dépréciation des marchés européens et moindre des marchés américains : -14,34% pour l’Eurostoxx50, -10,95% pour le CAC 40 et -18,26% pour le DAX. Le Dow Jones affiche une perte de -5,6% et le Nasdaq de seulement -3,9%. Enfin, le Nikkei a également perdu -12,08%.

L’économie chinoise en question, vers une nouvelle orientation en mars

Du côté du protectionnisme et de la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, les discussions vont reprendre en ce début de semaine à Pékin et une accalmie se dessine avec la suspension de la hausse des droits de douane à l’ensemble des importations US venant de Chine et la non augmentation des droits sur le commerce automobile avec les États-Unis. Mais personne ne peut dire aujourd’hui si cette baisse de tensions sera durable. La rationalité et les enseignements de l’année 2018 devraient pourtant faire réfléchir les dirigeants puisque l’on connait les répercussions négatives de cette stratégie sur l’économie mondiale et les marchés financiers. Trump qui souhaite gagner les élections de 2020, ne peut pas espérer le faire avec une croissance en berne et des marchés financiers en fort repli.
Le gouvernement chinois n’a pas la même contrainte politique mais doit enrayer la faiblesse de sa croissance économique. On doit s’attendre à ce que les autorités chinoises s’engagent dans des mesures de soutien comme un assouplissement des conditions du crédit pour financer une politique de relance. Des baisses d’impôt aux ménages et aux entreprises pourraient être décidées lors du prochain congrès de mars 2019. Le pays reste toutefois contraint par des problématiques d’endettement puisque selon la BRI, le crédit au secteur privé atteindrait 205% du PIB, soit deux fois plus qu’il y a dix ans et le gouvernement souhaite réduire les risques notamment liés au « Shadow banking ». En conséquence, la marge de manœuvre du gouvernement chinois est faible dans l’hypothèse où les Etats-Unis poursuivraient et amplifieraient les mesures protectionnistes. Cela explique la relative bonne volonté des autorités chinoises à entrer en négociation car l’économie chinoise est en voie d’affaiblissement (moindre investissement en construction, baisse du rythme d’activité dans l’industrie, baisse des ventes au détail, confiance des industriels en dessous des 50 points, soit un seuil considéré comme critique, …).

Quelle situation européenne en 2019 ?

L’évolution de la croissance économique européenne aura été la grande désillusion de l’année 2018 et les perspectives de 2019 ne sont guère favorables. Ainsi l’Allemagne, historiquement moteur de la croissance, a connu un affaiblissement de la demande en provenance de Chine, de l’Italie et de la Turquie, trois de ses principaux partenaires. Son exposition au secteur automobile la fragilise aussi. Ainsi, en 2018, l’Allemagne a ralenti davantage que le reste de la zone euro en raison de cette exposition à une demande extérieure plus faible. La hausse du PIB réel allemand est passée de +2.5% à +1.5% (zone euro, de +2.5% à +1.9%). En revanche, la demande intérieure ne montre pas de signes de faiblesse. Le marché du travail est proche du plein-emploi, en raison d’une faible démographie, ce qui permet aux revenus des ménages de progresser. L’évolution des matières premières et en particulier du pétrole sera un facteur déterminant de l’évolution de la croissance économique européenne. En 2019, dans la mesure où nous attendons une croissance mondiale un peu plus faible, la demande de pétrole sera plus modérée mais devrait être compensée par des baisses de production annoncées par l’OPEC et la Russie. Nous considérons que le prix du baril 2019 devrait évoluer entre 50 et 60$ le brent, ce qui est un facteur favorable pour le pouvoir d’achat des ménages et l’évolution de la consommation, mais plus défavorable à l’investissement des compagnies pétrolières.

Le rôle difficile des banques centrales en 2019

Depuis 2008, la politique monétaire US a été accommodante et elle entre après le cycle de resserrement de trois dernières années dans une phase neutre (taux directeur proche de zéro en termes réels) mais pas encore restrictive. Elle va se trouver confrontée à un dilemme important : soit rester dans cette zone de neutralité avec de possibles tensions salariales et une surchauffe, soit poursuivre la hausse des taux et fragiliser un peu plus la croissance et le crédit. Les arguments actuels vont dans les deux sens car d’un côté il existe bien un risque de baisse de la croissance mais pour l’instant, la situation économique US est très bonne avec des conditions d’emploi favorables et des dépenses des ménages élevées. A sa dernière réunion de décembre, la Fed a déclaré que le rythme de remontée des taux devrait ralentir (2 hausses en 2019 au lieu de 4 en 2018).
Du côté de la BCE, Mario Draghi termine son mandat de huit ans fin octobre 2019. La BCE a comme objectif de rendre sa politique plus « normale », à l’image de la FED mais dans un timing plus long. La BCE a stoppé l’expansion de son bilan fin 2018 et elle va réinvestir les actifs arrivant à maturité. La hausse des taux n’est toujours pas d’actualité en raison de risques sur la croissance européenne (freinage de la demande mondiale, risques politiques type Brexit) et de la faiblesse de l’inflation. Mario Draghi va donc certainement terminer son mandat sans avoir monté les taux directeurs.

Encore trop d’incertitudes pour une rebond ?

Les premiers jours boursiers de 2019 ne permettent pas encore le retour de la confiance, le risque autour de la croissance mondiale reste prééminent. Le regain de l’aversion au risque est perceptible sur les rendements obligataires, poussés vers des plus bas. Le ralentissement de l’activité manufacturière en zone euro, aux Etats-Unis et en Chine accentuent les inquiétudes et soulignent les tensions commerciales entre Washington et Pékin sur l’activité. Cette guerre commerciale explique la baisse de la prévision de chiffre d’affaires d’Apple pour le premier trimestre suite à la faiblesse des ventes d’iPhone en Chine. La saison des résultats trimestriels aux Etats-Unis qui débutera la semaine prochaine sera ainsi l’occasion de mesurer dans les comptes des entreprises l’ampleur du ralentissement mondial. Le mouvement de correction sur les marchés d’actions mondiaux a ramené les valorisations à des niveaux plus favorables mais il est trop tôt pour espérer un rebond durable.

Source : Lettre hebdomadaire n°54, lundi 07 janvier 2019 – Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex

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