Les marchés sont-ils rationnels ?

septembre 2017

Forte décorrélation historique de l’évolution des marchés boursiers entre l’Europe et les Etats-Unis.

Un débat bien réel s’installe au sein des investisseurs, celui de savoir si la valorisation des actions est cohérente avec les fondamentaux économiques. Cette question n’a pas la même réponse suivant les zones géographiques. Elle se pose avec une certaine acuité aux Etats-Unis puisque les principaux indices sont aux plus hauts historiques alors que des incertitudes apparaissent quant à la croissance économique future de ce pays. La situation est bien différente en Europe car les indices boursiers sont loin des plus hauts, il faut que l’Eurostoxx progresse de 35% pour retrouver son niveau du 6 mars 2000 à 5464 points et le CAC doit encore progresser de 25% pour atteindre le niveau de 6922 du 4/9/2000. Les écarts sont donc très significatifs entre les deux zones. Pour information, le Dow Jones est à +86% par rapport à l’année 2000, alors que la principale crise de cette période a été liée aux « subprimes » dont l’origine s’est située dans le financement très risqué de l’immobilier américain. L’ouragan Irma ou les tirs de missiles de Pyong-yang ont certes fait progresser la volatilité mais les indices US n’ont pas chuté. Désormais, sans effet accélérateur lié au programme économique et fiscal de Trump, dont on annonce des éléments pour fin septembre, la bourse américaine va devenir trop chère.

En Europe, la situation est inverse. Cette année en particulier, les marchés financiers européens n’intègrent pas encore l’amélioration de la situation économique, politique et de la croissance bénéficiaire des entreprises. Le risque reste bien présent et se présente sous plusieurs aspects : 1/ Le risque politique n’est pas totalement absent, il se situe désormais en Italie et dans une moindre mesure en Espagne avec les élections en Catalogne; 2/ L’arrêt des politiques monétaires accommodantes est jugée pénalisante dans la mesure où l’argent peu cher pousse les investisseurs à acheter des actifs à risques ; 3/ Le risque bancaire reste encore élevé dans la zone euro ; 4/ enfin, un euro fort peut casser la dynamique de reprise économique et limiter la croissance bénéficiaire des entreprises.

On peut mesurer cet écart de valorisation de façon plus technique en analysant le P/E de Schiller qui consiste à calculer le multiple de valorisation des entreprises sur les dix dernières années afin d’éviter les effets cycliques des résultats. Actuellement, le P/E de Shiller des actions US est de 26,7 fois, bien au-delà de la moyenne historique qui se situe à 20. Sur les actions européennes, ce ratio est de 17,3 fois, soit à peine plus que la moyenne historique de 15,9, ceci semblant justifié par la croissance faible en Europe au cours des dix dernières années.

Sur la dernière semaine, les marchés ont retrouvé le chemin de la hausse sur l’ensemble des marchés : +1,97% pour l’Eurostoxx50, +1,96% pour le CAC 40 et +1,75% pour le DAX. Le Dow Jones affiche aussi une hausse de +2,16% et le Nasdaq de +1,39%. Le NIKKEI a connu une forte hausse à +3,29%, les questions géopolitiques n’ont pas eu de prise sur les marchés financiers.

Vers un resserrement monétaire aux Etats-Unis en décembre ?

Les chiffres de l’évolution des prix aux US étaient très attendus la semaine dernière. Les prix à la production et à la consommation sont ressortis en hausse à +0,1% et +0,4%, témoignant d’une reprise des pressions inflationnistes, situation attendue par la Fed pour remonter ses taux. Autre élément plaidant pour le resserrement monétaire, les inscriptions au chômage la semaine dernière qui sont ressortis en baisse à 284k. L’indice de confiance « Empire » du secteur manufacturier reste sur ses points hauts, porté par les nouvelles commandes et les conditions favorables sur le marché du travail. La composante prix est aussi bien orientée et atteste de la capacité des entreprises à passer des hausses de prix ce qui devrait se traduire par une remontée du taux d’inflation. Ceci devrait alimenter la reprise de l’investissement constatée au T2, qui pourrait se poursuivre d’ici la fin de l’année.

Selon Bloomberg, la probabilité d’une hausse de taux en décembre est désormais de 47% (vs 39%). La Fed devrait donc laisser inchangés ses taux directeurs la semaine prochaine, confirmant une pause après trois hausses rapprochées (décembre, mars, juin), mais une annonce concernant la réduction de la taille du bilan pourrait être plus explicite. Si la Fed doit entamer la réduction de son bilan, elle ne doit pas en même temps accélérer son resserrement monétaire. Toutefois, dans la mesure où nous assistons à une amélioration des données d’activité, d’emploi et d’inflation, il sera difficile à la Fed de ne pas augmenter ses taux prochainement. Nous considérons ainsi que la probabilité d’une hausse sur décembre devrait augmenter surtout si Trump parvient à faire passer les mesures fiscales prévues. Ceci a donc conduit en fin de semaine à une hausse des rendements obligataires US (+15bps pour le 10 ans).

Europe : Vers un resserrement monétaire de la BCE, mais un peu plus tard ?

En Europe, les chiffres économiques sont également plutôt favorables. La production industrielle a rebondi en juillet en raison de la reprise des investissements des entreprises et de la hausse de la demande des biens durables. Elle a progressé de 0,1% et affiche une hausse de 3,2% sur un an. Les salaires calculés sur le T2 2017 sont aussi en hausse de 2% (vs 1,30% au T1 2017). Ces données confirment la bonne dynamique de la zone euro et met une pression supplémentaire à la BCE pour un éventuel resserrement monétaire a court terme. Il faut en ce sens donner de la signification à la dernière déclaration de Jens Weidman, président de la Bundesbank et membre du conseil des gouverneurs de la BCE, qui a indiqué que le ‘quantitative easing’ était un instrument d’urgence visant à contrer les risques déflationnistes et que dorénavant ces risques s’étaient dissipés. A minima, la BCE devrait donc annoncer une baisse des achats mensuels de la BCE. Celle-ci a été rendue plus vraisemblable par l’évolution des salaires au deuxième trimestre. Alors que la tendance était toujours à un ralentissement, nous assistons à un retournement sur les évolutions des rémunérations. Bien que le chômage soit encore à un niveau élevé, la main d’œuvre disponible se réduit, améliorant le pouvoir de négociations des salariés. En 2018, le phénomène devrait s’accentuer surtout si la hausse de la croissance du PIB se poursuit. Pour la BCE, le redressement des salaires est le point essentiel pour que l’inflation puisse atteindre l’objectif d’inflation de 2%. Du côté des matières premières, la tendance devrait au pire se stabiliser mais la situation économique devrait faire progresser les prix alimentant aussi une reprise de l’inflation. On pourrait donc s’attendre à une remontée des taux de la BCE plus rapidement que ce que les marchés ne prennent en compte aujourd’hui.

Chine : la bulle immobilière se dégonfle et la croissance pourrait ralentir

Les chiffres des nouveaux crédits au mois d’août octroyés en Chine confirment l’efficacité des mesures restrictives mises en place par les autorités pour favoriser l’assainissement financier. Les financements autres que le crédit bancaire (shadow banking) ralentissent à nouveau. Ceci conduit à une poursuite du ralentissement de la masse monétaire. Cette tendance à la diminution du crédit aux ménages confirme aussi que la bulle de l’immobilier est en cours de dégonflement. Ceci risque toutefois de peser sur la croissance économique future de la Chine, on devra lire avec attention les conclusions du congrès du Parti Communiste Chinois qui se terminera le 18 octobre. Ce tassement de la croissance chinoise pourrait avoir un impact négatif sur l’évolution des prix de certaines matières premières comme le cuivre ou l’aluminium.

Vers une nouvelle rotation sectorielle ?

Les marchés présentent toujours une certaine difficulté d’interprétation. Les décisions des banques centrales, FED et BCE, seront un élément déterminant de l’évolution des marchés financiers. La tendance est clairement à un resserrement même si nous ne connaissons ni le timing, ni l’intensité de la remontée des taux. En positif du côté européen, les données économiques confirment la reprise de la croissance dans un contexte de valorisation qui reste toujours attractive. La situation n’est pas identique aux Etats-Unis et nous restons assez négatifs sur les marchés actions US d’autant qu’ils se situent à des niveaux très élevés. Le risque de déception quant au programme fiscal que Trump va présenter le 25 septembre nous semble aussi très élevé. En termes d’allocations d’actifs, les investisseurs devraient sortir des rendements élevés (télécoms, utilities, .. . ) pour se placer sur les valeurs bancaires, les industrielles et les matières premières susceptibles de profiter de toute indication de la Réserve fédérale au sujet d’un durcissement de sa politique monétaire.

Source : Lettre hebdomadaire 360 Hixance am n°248, lundi 18 septembre 2017 – Jean-Noël VIELLE – Directeur de la gestion

 

Avertissement : Ce document est un outil de présentation simplifié et ne constitue ni une offre de souscription ni un conseil en investissement. Il ne peut être reproduit, diffusé, communiqué, en tout ou partie, sans autorisation préalable.

Synergie Conseils Patrimoine Text

jean-noel_vieille360-hixance-reseau-experts