Focus sur les marchés « actions »

Aujourd’hui sur les marchés financiers tout va bien, mais …

Les marchés financiers ont absorbé en 2020 les incertitudes politiques (élection américaine, Brexit) et les vagues successives de confinement, mais surtout, ils ont violemment et immédiatement été soulagés par l’annonce de l’arrivée des deux candidats vaccins contre la Covid 19 de Pfizer et de Moderna.

Aussi, nous pourrions logiquement en déduire que l’année 2021 ne devrait nous réserver que des bonnes nouvelles au fur et à mesure de l’avancement des vaccinations et des reprises macro et micro économiques qui devraient en découler.

Le problème est que les marchés ne sont pas « normaux » et sont pour partie complètement déconnectés de leur encrage de valeurs compte tenu des injections massives de liquidités des Banques Centrales (QE – Quantitative Easing) et des rachats d’actifs (emprunts d’Etats et d’entreprises) souverains consécutifs aux plans de relances budgétaires des gouvernements occidentaux qui ont amené les taux d’intérêts de plus de 17.000 milliards $ d’emprunts d’Etats en territoire de rendements négatifs …

Nous assistons à des amplitudes de mouvements (volatilité) de marchés beaucoup plus fortes. Il est difficile d’évaluer la vraie valeur d’un actif dans la mesure où les banques centrales et les gouvernements peuvent injecter des liquidités à l’infinie, l’infinie étant devenue la nouvelle limite des marchés …

Lorsque les marchés fonctionnent comme cela, il faut être moins regardant sur les critères d’ancrage et forces théoriques de rappel car c’est la dynamique de marchés (Momentum) qui les dirigent. Lorsqu’une bonne nouvelle est annoncée ou anticipée, les marchés progressent et montent d’autant plus qu’ils n’ont plus d’ancrage de valorisation. C’est la liquidité qui fixe le prix des actifs et non la valeur intrinsèque des entreprises.

Ceci explique en partie l’inflation des PER (ratio cours / bénéfices) depuis 3 ans des 2 indices actions américains à savoir :

  • 31X pour le S&P 500 contre 21X fin 2017 et une moyenne long terme historique de 15X.
  • 72X pour le NASDAQ contre 30X fin 2017.

Si la nouvelle suivante est encore bonne, alors les marchés montent à nouveau et ainsi de suite …
Bien sûr, si les nouvelles s’inversent, la dynamique change et les marchés peuvent prendre le chemin de la baisse de façon parfois très violente comme entre la mi-février et mars dernier.

Depuis la mi-mars, les bonnes nouvelles s’enchainent et les marchés sont revenus à proximité ou ont dépassé leurs plus hauts historiques de début 2020, comme aux Etats-Unis.

A l’amorce de 2021, nous sommes face à des marchés qui résonnent en dynamique, qui sont déjà bien exposés sur un certain nombre d’actifs et qui ont intégré beaucoup de bonnes nouvelles.

La dynamique des bonnes nouvelles va-t-elle pouvoir se poursuivre pour continuer à entrainer le marché à la hausse et continuer d’attirer les investisseurs sur les actifs risqués ?

La question mérite d’être, dès à présent, posée. En effet, même si tout va à nouveau bien sur les marchés et que l’on n’imagine pas ce qui pourrait retourner durablement cette dynamique à court terme, il faut s’interroger dans une logique de préparation. Il est effectivement délicat de prédire quelle(s) serai(en)t la/les prochaine(s) bonne(s) nouvelle(s) qui pourrai(en)t ne pas déjà être intégrée(s) par les marchés. La dernière d’entre elle, les vaccins, a été immédiatement intégrée par ces derniers de même que le plan de relance américain de 1.000 Mds $ qui lui aussi a été immédiatement intégré et même au-delà.

Nous avons un marché qui se révèle être en partie très valorisé, très positionné (peu de positions venderesses), et il ne suffirait pas grand-chose pour le faire dérailler comme en 2020 ou en 2018 lorsque, également très positionné, il avait intégré beaucoup de bonnes nouvelles. Il faut donc imaginer ce que pourrait-être ce « pas grand-chose » susceptible de « mettre le feu aux poudres » et de retourner cette tendance ?

On se demande bien aujourd’hui ce qui pourrait stopper la marche en avant des marchés et ramener sur terre certaines valeurs dont la valorisation dépasse la gravité (Bitcoin, Tesla et plus récemment Signal Advance). Les investisseurs sont aujourd’hui persuadés que, du fait de la politique des banques centrales, le risque a totalement disparu.

Tesla décrit très bien le phénomène de bulle sur un actif. Or, aujourd’hui, Tesla n’est plus seul sur ce segment comme il y a 2 ou 3 ans et, pourtant, son cours fait le chemin inverse avec un PER (Price Earning Ratio) représentant à l’heure où nous vous écrivons 1103X les profits de 2020, 269X ceux de 2021 et 168X ceux attendus pour 2022 … Dans le même temps, Volkswagen ou Toyota se payent respectivement (13,5X, 6,9X et 5,7X) et (13,6X, 10,5X et 9,1X) et Tesla représente à elle seule la valorisation des 11 premiers constructeurs automobiles mondiaux …
Enfin, la valorisation de chaque véhicule produit par Toyota est actuellement de 20.460 $
, 10.970 $ pour Volkswagen et 1.505.350 $ pour Tesla … La valorisation de l’automobile verte se calque sur les multiples des technologiques alors que les autres constructeurs ne font plus rêver personne. Cela a créé une dichotomie gigantesque dans le marché qui n’a plus d’ancrage fondamental.

Il en est de même de l’économie verte lorsqu’on la regroupe de façon sectorielle. Si on regarde chaque valeur verte ESG, on peut toujours mettre derrière des schémas de croissance qui justifient la valorisation individuelle de ces valeurs car il y a vraiment un potentiel de croissance derrière. Mais le problème, c’est lorsque vous regroupez ces valeurs. Lorsque vous mettez ensemble les 50 ou les 100 valeurs vertes les plus significatives du marché et que vous les additionnez, vous réalisez que même si on supprimait intégralement le pétrole, même si le monde entier suivait les accords de Paris extrêmement rapidement, même plus rapidement que cela n’a été prévu, on n’arriverait toujours pas à justifier ces niveaux de valorisations, ni à générer suffisamment de profits pour ces valeurs prises ensemble. Cela marchera pour certaines d’entre elles mais pas pour d’autres.

Souvenez-vous, dans les années 2000, si Amazon, Apple, Google, … ont fonctionné, vous rappelez-vous également des autres 90% qui ont disparu du marché et qui ne valent plus grand chose ? Non, vous ne vous en souvenez probablement plus car elles sont tombées dans l’oubli …

Enfin, on voit même certaines sociétés qui ont acheté du Bitcoin avec leur trésorerie valorisée corrélativement …

Ces bulles sont notamment alimentées par les « Covid traders», ces particuliers qui ont commencé à se constituer un portefeuille après la baisse de mars, sur les conseils de plateforme de trading type telle que « Robinwood » aux Etats-Unis. Ils utilisent des produits dérivés avec de forts effets de levier qui amènent à des aberrations de valorisations. Ils représenteraient en moyenne aujourd’hui plus de 25% des transactions sur les marchés, voire 60% sur certaines valeurs … Or, pour la plupart, ces nouveaux acteurs n’ont aucune expérience sur les marchés et ils n’ont connu que la hausse. Ce qui signifie que l’on ne sait pas comment ils réagiront lors du prochain stress de marchés. Vendront-ils tout à tous prix ou résisteront-ils à la pression ? De même, une fois les confinements terminés, dans quelle proportion vendront-ils leur portefeuille pour réaliser leur capital et le consommer ? Autant de questions pour lesquelles nous n’avons pas de réponse mais qui pourraient avoir plus ou moins d’impacts sur les marchés.

Pour revenir à la crise de la Covid, cette dernière a créé de grandes différences entre les actifs, avec des gagnants et des perdants. Il va falloir faire en 2021 une grande distinction entre les deux.

En 2020, la bonne stratégie consistait à se dire « on a pris un énorme choc », mais « on va en sortir ». En conséquence, il fallait être directionnel, raison pour laquelle les actifs à fort beta ont très bien fonctionné (emprunts d’Etat italien, crédit, actions à fortes visibilités). En effet, jusqu’à fin août, les Banques Centrales sont intervenues en mettant énormément d’argent sur la table. Il fallait rassurer le consommateur, protéger les entreprises. C’était la phase où il fallait suivre les banques centrales en achetant ce qu’elles achetaient (les obligations italiennes, le crédit européen). Avec du recul, il s’agissait finalement de la phase « facile ».

En septembre, il a fallu prendre davantage de risques, étant arrivés à une saturation des positions faciles, les emprunts d’Etat italiens et les taux de crédits européens étant notamment revenus à des niveaux de spread (écarts de taux) plus bas qu’avant la crise. Si la prise de risque était nécessaire, elle était pour autant cohérente et s’est révélée performante grâce aux forces de soutien des Banques Centrales qui ont amené les investisseurs à faire le mouvement. L’idée était que la liquidité allait rester gigantesque, que l’incertitude de marché, moteur considérable dans les marchés mécanisés que nous connaissons depuis plusieurs années, allait progressivement diminuer dans les mesures du risque et dans la tête des investisseurs. Evidemment, la conviction était qu’il resterait du risque mais que, comparativement au mois de mars, cela ne pourrait être que forcément mieux.

On assiste depuis à ce phénome de sortie de capitaux des investisseurs qui, après avoir acheté les actifs « protégés » car achetés par les Banques Centrales, ont commencé à diversifier leurs investissements à l’étranger en achetant des actifs émergents, en investissant dans des actions un peu plus « value » ce qui a, en parallèle, commencer à faire baisser les devises fortes des banques centrales, notamment le dollar puisque l’argent est sorti des Etats-Unis et des pays dollarisés.

A présent, nous rentrons dans une période ou la sélection de valeurs va faire la différence et les mouvements d’arbitrages vont être très importants et violents, à la hausse comme à la baisse, selon les publications de résultats et les annonces des perspectives pour les mois à venir des sociétés.

Ces mouvements seront d’autant plus importants que l’année va être très probablement volatile au gré des informations de vaccination et macroéconomiques car les marchés sont déjà très « perchés » et « positionnés », ce qui signifie qu’il faudra peu de chose pour les secouer.

La question qui se pose aujourd’hui est de savoir s’il faut ou non continuer sur cette logique ?

La réponse devrait être globalement « oui ». Les marchés devraient continuer à profiter de la liquidité et des bonnes nouvelles.
Mais attention, il y a de très gros écarts de valorisations entre certains actifs.
Donc, plutôt que de continuer à se positionner de façon purement directionnelle, en misant sur le beta et en disant « tout va monter », il faudra être plus sélectif car il y a des pans entiers du marché qui sont très avancés dans la valorisation des bonnes nouvelles et d’autres qui sont encore très en retard et sur lequel il reste beaucoup de chemin à faire.

En conséquence, si on anticipe une fin proche de cette pandémie, il faut rééquilibrer les portefeuilles entre « growth » (croissance) et « value » en commençant et cesser d’être purement directionnel.


Il faut commencer à :

Réinvestir dans les actifs « en retard » comme :

  • Les actifs européens, les pays émergents pour bénéficier du rattrapage, des décotes de valorisation, des monnaies sous-évaluées ou des producteurs de matières premières.
  • Les secteurs cycliques sur les actions (automobile, matières premières, banque, …) qui devraient profiter du redémarrage économique.
  • L’Or physique qui devrait profiter de la baisse du dollar.

Réduire ou arbitrer les actifs « en avance », c’est-à-dire tous les actifs dont la valorisation est trop élevée eu égard au potentiel de croissance à venir comme :

  • Les taux longs américains qui devraient se tendre, anticipant progressivement une reflation de l’économie.
  • Les valeurs reflationnistes dites « value » au premier rang desquelles on trouve les bancaires qui devraient bénéficier de la pentification de la courbe des taux.
  • Les valeurs technologiques qui devraient moins profiter de ce mouvement en étant peut-être même arbitrées au profit des valeurs « values ».
  • Le Dollar américain compte tenu de l’accroissement du déficit public qui devrait peser sur la devise américaine contre Euro et autres devises.

Et après, même si ce n’est à priori pas pour demain ?

La phase suivante sera celle du rappel à l’ordre des taux d’intérêts.

Il est impossible de déterminer le timing car il est très compliqué à prévoir. En revanche, toutes les injections de liquidités des banques centrales et les perspectives de plans de relances des gouvernements occidentaux ont déformé le prix de certains actifs qui ont été « soufflés » par les liquidités et le niveau des taux d’intérêts permettant de très forts effets de levier. Quand on pousse le levier et que l’on est dans le sens du vent, c’est formidable, cela multiplie les performances. Mais attention, à contrario, lorsque la dynamique s’inverse, les difficultés se multiplient.

On a ainsi créé les conditions de l’inflation et ces dernières n’ont jamais été aussi alignées depuis des années. Or, nous avons des marchés financiers qui sont encore plus sensibles aux taux d’intérêts qu’ils ne l’étaient dans le passé, alors qu’ils l’étaient déjà beaucoup. En outre, de plus en plus d’actifs profitent des taux bas. Cela pousse le niveau des valorisations encore plus haut, avec de plus en plus d’investisseurs profitant de ces taux bas, et donc plus de risques en cas d’inversion de tendance. Souvenez-vous fin 2018, le franchissement des 3% sur l’emprunt à 10 ans américain avait provoqué de fortes tensions sur les marchés du Crédit et des Actions.

Aujourd’hui, nous aurions vraisemblablement au moins les mêmes effets dans le cas où le taux dépasserait les 1,50% ou 2% sur ce même emprunt à 10 ans américain, qui vaut actuellement 1,04% après avoir coté récemment 1,17% et 0,7% en novembre dernier. Le seuil à partir duquel le niveau des taux d’intérêts « fait mal » aux marchés est aujourd’hui beaucoup plus bas qu’il n’était.

En conclusion, restons vigilants car il suffirait de peu de chose pour inverser la tendance positive des marchés.

 

Source : texte publié le 31.01.2021 rédigé par Christophe VALOIS

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