Elections US sans surprise mais les doutes sur la croissance augmentent

novembre 2018

Le résultat des élections américaines a été conforme aux attentes et n’a pas entraîné de mouvements importants ni sur les actions, ni sur les taux d’intérêt. Il n’y a pas eu de raz de marée démocrate et Trump, tout en perdant la Chambre a pu consolider sa base électorale et asseoir sa suprématie à l’intérieur de son camp. Les Républicains ont d’ailleurs renforcé le contrôle du Sénat avec 3 voix de majorité contre une seule en 2016. Cela explique le soulagement dont Trump a fait preuve en considérant qu’il venait de gagner ces élections. Les investisseurs se satisfont de ce rééquilibrage des pouvoirs et de l’affaiblissement institutionnel de Trump. Pour l’instant, le facteur rassurant est que les deux partis semblent disposés à travailler ensemble afin de désamorcer le fort clivage issu des urnes. L’autre point important de la semaine a été la réunion de la Fed. Cette dernière a logiquement laissé ses taux inchangés tout en laissant entendre qu’une nouvelle intervention aura lieu en décembre. Elle a confirmé la vigueur de l’économie américaine, le faible niveau du chômage et des dépenses des ménages toujours très favorables. Seul point négatif, les investissements des entreprises se sont affaiblis par rapport à leur rythme rapide enregistré plus tôt dans l’année.
Notre scénario de base est donc une hausse des taux des fonds fédéraux en décembre et une autre hausse en mars 2019. Finalement, on retiendra aussi de la teneur de ce communiqué qu’elle n’a fait aucune référence à l’état des marchés financiers sur octobre comme si elle voulait signifier qu’elle suivrait sa trajectoire par rapport aux signaux économiques sans être influencée par l’évolution des marchés financiers. Cela n’a pas toujours été le cas dans les analyses précédentes.
Les marchés financiers se sont légèrement repris cette semaine mais de façon un peu plus disparate : +0,47% pour l’Eurostoxx50, +0,09% pour le CAC 40 et +0,09% pour le DAX. Le Dow Jones affiche une hausse de +2,84% et le Nasdaq a progressé de +0,68%. Enfin, le Nikkei est resté stable sur la période.

Que peut-on désormais attendre de la politique américaine ?

La relative stabilisation des marchés financiers après le résultat des élections est justifiée mais les perspectives restent assez délicates. Le marché a, au cours de l’été, envisagé la mise en place de mesures de relance budgétaire et de nouveaux allégements fiscaux pour les entreprises et les ménages. Avec une Chambre des représentants sous contrôle démocrate, cette éventualité n’est plus de mise. Désormais, à l’approche des élections présidentielles de 2020, les républicains vont avoir beaucoup de mal à faire adopter des lois par le Congrès. Aussi, Trump doit continuer à exister puisqu’il souhaite sa réélection et il pourrait être plus agressif dans des domaines tels que le commerce et la politique étrangère où il jouit d’une plus grande autonomie. On peut aussi imaginer un deal avec les démocrates, « nous ne touchons plus à l’Obamacare et à la politique sociale, mais le président poursuit son escalade contre la Chine », stratégie partagée par de nombreux démocrates. Le déficit bilatéral US-Chine continue ainsi à se creuser pour atteindre un nouveau record absolu, 403Md$ sur douze mois en septembre (le déficit total des États-Unis est à 593Md$). Il se confirme que les droits de douane stimulent la demande de produits chinois au moment de leur l’annonce, une contraction arrivant après leur mise en oeuvre. Les deux pays peuvent toutefois trouver un intérêt à apaiser leurs relations à court terme, mais la liste des griefs américains contre la Chine ne se limite pas au déséquilibre de leurs échanges. S’il y a une détente, elle sera de courte durée. La poursuite de cette querelle pourrait ainsi être négative pour les marchés et pour l’ensemble de l’économie américaine et même mondiale.
La frustration grandissante de Trump va donc se traduire par un renforcement du protectionnisme commercial et par la recherche de confrontation avec des adversaires tels que l’Iran, voire avec certains pays européens. Les risques d’escalade des conflits tarifaires, une guerre commerciale internationale – ou même une confrontation plus large entre les États-Unis et la Chine – doivent désormais être des paramètres à intégrer par les investisseurs. Les élections de mi-mandat viennent tout juste de se terminer mais la campagne présidentielle de 2020 est déjà ouverte.

L’autre danger qui plane sur la situation américaine est la question du déficit budgétaire. Le clash est possible entre la Chambre et le Président. En revanche, une tentative de destitution du Président est peu probable mais les démocrates vont maintenir une pression politique sur les impôts payés par Trump et sur ses relations anciennes avec la Russie, bref la cohabitation ne sera pas un long fleuve tranquille.

L’enjeu de l’année prochaine va porter aussi sur l’évolution de la situation économique. Les fondamentaux commencent à ralentir. La croissance américaine devrait chuter au cours des deux prochaines années, l’impact des réductions d’impôts de novembre dernier va se résorber d’ici mi-2019. On pourrait imaginer le lancement d’un programme d’infrastructures qui a le soutien des deux partis. Il n’existe néanmoins aucun accord sur le financement d’un tel plan. D’un point de vue politique, les démocrates devront agir de façon très stratégique en ne donnant pas l’impression de bloquer les réformes allant dans un sens positif pour l’économie tout en évitant de placer Trump en position de force pour être victorieux en 2020. La prochaine cible de Trump pourrait être J. Powell, le président de la Réserve fédérale américaine, déjà qualifié de «fou» pour avoir relevé les taux d’intérêt. Une forte pression va peser sur lui pour que la hausse des taux soit faible en 2019. Cela pourrait se concevoir si la croissance américaine ralentissait fortement.

Chiffres économiques favorables aux Etats-Unis, plus mitigés en Chine

Sur le plan économique et toujours aux Etats-Unis, les créations d’emploi restent très dynamiques (+250k le mois dernier). Le taux de chômage est stable à 3,7% et conforme aux objectifs de la Fed. Les hausses de salaires se poursuivent aussi mais sans emballement excessif.
L’ISM non-manufacturier a un peu diminué en octobre (-1.3 point à 60.3), mais c’est la première fois que cet indice dépasse 60 points deux mois de suite, ce qui reste donc une situation très favorable. Le marché a aussi réagi négativement à quelques chiffres économiques mauvais en provenance de la Chine. Nous assistons à un nouveau ralentissement de l’indice des prix à la production (quatrième mois de suite en raison de la faiblesse de la demande intérieure et de l’activité manufacturière) et d’une baisse des ventes automobiles, ce qui ravivent les inquiétudes sur la croissance de la deuxième économie mondiale.

Ce risque de ralentissement en Chine, premier importateur de pétrole, a contribué au repli du brut avec la crainte que le marché mondial ne se retrouve en situation d’offre excédentaire. Le contrat décembre sur le brut léger américain (WTI) s’est établi à 60,19 dollars ce vendredi, sa plus longue phase de baisse depuis juillet 1984 puisqu’il cotait 76,41$ le 3 octobre, soit une baisse de 21%.

Poursuite d’un marché hésitant !

Nous continuons à penser que les marchés vont rester assez hésitants au cours des prochaines semaines en raison des craintes politiques et des risques sur la croissance. Peu de raisons peuvent justifier une reprise de la hausse.
En Europe, les incertitudes liées au budget italien ou au Brexit ne sont toujours pas levées. Le gouvernement italien a contesté jeudi les prévisions économiques de la Commission européenne, bien plus pessimistes que les siennes. La coalition a jusqu’au 13 novembre pour présenter un budget révisé à l’UE, sans quoi elle s’expose à l’ouverture d’une « procédure pour déficit excessif ».

Le bilan des publications de résultats des entreprises a été finalement assez décevant (avertissement sur les résultats dans plusieurs secteurs : automobile, luxe, informatique, …).
Nous allons désormais entrer dans un temps faible de communication tant sur les données macro- économiques que micro, mais il est peu probable que les investisseurs prennent à l’approche de la fin de l’année des risques trop importants.

Source : Lettre hebdomadaire n°48, lundi 12 novembre 2018 Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex

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