Comment expliquer la dynamique haussière des actions ?

septembre 2020

L’adage bien connu du marché, «Sell in May and go away», a été contrarié cet été surtout pour les marchés américains. Généralement, les volumes chutent pendant l’été ce qui donne l’impression que de nombreux investisseurs suivent ce conseil. Cette année a été bien différente en dépit de l’exacerbation de la crise sanitaire. Les volumes des transactions sur le marché sont restés élevés avec une volatilité revenue à des niveaux normaux. Juillet et août 2020 ont ainsi été des mois records pour le marché actions, les principaux indices ont terminé en territoire positif avec une volatilité plus faible que les mois récents, dopés par les bonnes nouvelles concernant le développement d’un vaccin contre le Covid, des résultats d’entreprises meilleurs que prévus pour le Q2 2020 et des statistiques économiques allant dans le sens d’une reprise en V de l’économie mondiale.

Au 04/09/2020

Nous assistons à un paradoxe : les entreprises digèrent l’affaiblissement du deuxième trimestre, les marchés financiers accélèrent à la hausse et pourtant, on annonce des licenciements nombreux, ce qui pose la question de savoir si les entreprises ne cherchent pas à profiter d’un « effet d’aubaine » que procurerait la crise sanitaire. La reprise des marchés depuis mars est liée au sentiment que la crise sanitaire est derrière nous. Cette hausse reste néanmoins très sélective, ce qui lui confère une part de rationalité. Si le CAC 40 se situe encore à -17% contre un Dax à -3%, c’est que ce dernier est soutenu par un critère sectoriel, SAP (+10% depuis le début de l’année) et Linde (+8%), valeur technologique et industrielle représentent 14% et 9% de l’indice alors qu’en France, c’est Total (-32%) et LVMH (-3%) qui représentent respectivement 10 et 8% du CAC 40. La progression fulgurante du Nasdaq (+26% depuis le début de l’année) confirme le leadership des valeurs de croissance et de la technologie et valide que le choix des thématiques d’investissement est primordial pour créer de la performance.

Une réalité : la situation économique s’améliore

La rationalité au moins partielle de la hausse repose sur le regain d’optimisme concernant la croissance mondiale alimentée par un nouvel indicateur positif du secteur des services en Chine. L’appétit pour les actifs risqués a bénéficié aussi ces derniers jours des chiffres favorables de l’activité dans le secteur manufacturier, notamment aux Etats-Unis. En Chine, la hausse des services s’est poursuivie en août pour le quatrième mois consécutif et le nombre d’embauches est reparti à la hausse pour la premièrefois depuis janvier. Cet indice des directeurs d’achat s’est établi à 54 pour août, inchangé par rapport à juillet et bien au-dessus de la ligne de 50 points séparant la croissance de la récession. Cela rassure les investisseurs. On assiste aussi en Chine à une augmentation des commandes et des prix. L’amélioration de l’emploi nécessitera une reprise économique à long terme et une stabilité des attentes des entreprises. Le soutien des politiques macroéconomiques pertinentes est essentiel, comme l’action prépondérante des banques centrales.

L’euro s’est affaibli après que les responsables politiques de la Banque Centrale Européenne aient averti que l’appréciation de la monnaie par rapport au dollar pourrait accroître la pression pour

davantage de relance monétaire. La BCE souhaiterait faire remonter le dollar car ces dernières semaines, il y a eu appréciation de l’euro, ce qui est inquiétant lorsque la demande est faible, d’autant que la zone euro est l’économie la plus ouverte du monde et dépend de la demande mondiale.
Le fait marquant de la semaine passée sur le plan macro a aussi été l’officialisation du changement de l’objectif de politique monétaire de la Fed, qui cible désormais une inflation moyenne autour de 2%. La Fed tolérera une inflation plus élevée et un chômage plus bas que par le passé avant de relever les taux d’intérêt. La logique est de faire remonter les anticipations d’inflation et de pentifier la courbe des taux afin de regagner des marges de manœuvre en termes de politique monétaire, la Fed ne voulant pas se lancer dans une politique de taux négatif. Cette dernière est restée néanmoins très évasive sur les moyens qu’elle entend mettre en œuvre pour atteindre son objectif, ce qui peut limiter la portée de sa décision à court terme.

De nouveaux soutiens budgétaires devront être mis en place !

La situation actuelle reste encore trop précaire pour assister à un rebond de l’inflation, même si cela serait un moyen de résorber les dettes (privées et publiques) sans dommage. La normalisation de l’inflation devrait se poursuivre en raison des goulets d’étranglement, de la stabilisation des prix de l’énergie et des coûts engendrés par la crise covid. Pour que ce mouvement de reflation soit durable, il faudra d’autres facteurs structurels, notamment une hausse soutenue des salaires, une réduction de la mondialisation, une hausse des prix de l’énergie et une politique budgétaire durablement expansionniste (au-delà du soutien actuel). Tout cela reste hypothétique et contradictoire avec la baisse attendue de l’emploi. A cet égard, le plan annoncé par le Premier Ministre français est très en deçà de cette problématique. En ne privilégiant que l’offre sans mettre en place de mesures de relance, le fossé avec la relance allemande pourrait se creuser.

Pour les investisseurs, une remontée de l’inflation permettrait une rotation sectorielle vers le style Value (notamment les Financières) au détriment des valeurs de croissance. Le prochain FOMC sera important car il pourrait donner des indications sur les mesures supplémentaires que la Fed entend mettre en œuvre et donc sur la crédibilité des annonces de la semaine dernière. En conséquence, on devra mettre en place des stratégies d’investissement pour parier plutôt sur une rotation sectorielle que sur une baisse du marché actions. Dans ce contexte, l’Europe et les pays émergents devraient être un peu plus attractifs que les marchés américains, comme la thématique «value» contre « croissance ». En Europe, on observe toujours un ralentissement économique, notamment dans les services mais l’ensemble reste robuste grâce à une consommation alimentée par la baisse du taux d’épargne accumulé durant les mois de confinement. En France, par exemple, il existe 100 Md€ d’épargne accumulée durant la crise sanitaire.

Se laisser porter : une gestion intelligente du risque !

Les tout prochains mois seront déterminants pour avoir une visibilité de l’activité à moyen terme. En négatif, le marché de l’emploi reste dégradé, que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe, et le moral des ménages ne montre pas de signe d’amélioration. On peut alors craindre une reprise économique incomplète avec un quatrième trimestre plus faible qu’escompté, surtout en Europe où les signes d’une seconde vague pandémique se multiplient avec à la clé un certain nombre de restrictions. Il faudraaussi surveiller l’évolution des tensions sino-américaines et les sondages aux Etats-Unis. Biden continue de faire la course en tête, avec une marge de 9 points sur Trump (51% vs 42). Pour le moment, ces inquiétudes restent faibles et elles n’ont pas empêché le marché américain de battre de nouveaux records et de surperformer les autres marchés, notamment le marché européen.

Nous savons que les arbres ne montent pas au ciel, la fragilité de la hausse de certaines valeurs américaines devient une réalité. La baisse significative du Nasdaq en fin de semaine, -6% en deux jours, a confirmé que le risque n’était pas absent.
Cette rentrée est assez particulière avec une situation sanitaire difficile mais des données économiques et financières en amélioration. Beaucoup d’investisseurs sont restés frileux dans ce mouvement haussier, donc le moindre mouvement baissier est mis à profit pour « monter dans le train », même s’il roule à grande vitesse. Nous maintenons un biais positif mais dans un contexte toujours volatil.

 

Source : Lettre hebdomadaire n°126, lundi 7 septembre 2020 – Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex

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