2018 : Retour sur les caractéristiques fondamentales de cette nouvelle crise !

février 2018

Comme en 2008, l’année 2018 qui se termine aura déjoué tous les pronostics. Si en début d’année la plupart des stratégistes s’accordait sur une année 2018 encore favorable aux actifs risqués, la situation s’est vite dégradée dès février en partant de Wall Street pour se propager à l’ensemble des autres zones géographiques. On en connait aujourd’hui les raisons. Comme toute crise, le décrochage que nous avons connu sur l’ensemble de l’année en vagues successives a plusieurs explications. La première est d’ordre fondamental avec des niveaux de valorisation début février très élevés dans un contexte de faible volatilité comme en 2008. Ensuite ce qui a été peu anticipé est la hausse rapide des taux souverains dès le mois de février, d’abord aux Etats-Unis puis en Europe, qui a immédiatement inquiété les marchés quant au ralentissement à venir de la croissance économique. La hausse des taux et de la volatilité a généré aussi l’éclatement de la bulle financière créée par les produits dérivés liés aux indices de volatilité entraînant une nouvelle crise comme en 2008 d’une partie du système bancaire. D’une prévision initiale d’une croissance mondiale attendue à +3,9% en 2018 (prévisions du FMI en janvier), cette croissance devrait se situer plutôt autour des 2,5%, impactée par le ralentissement des Etats-Unis et par une baisse de la croissance chinoise (seulement +5%) suite à une diminution des importations américaines. La politique économique de Trump, plébiscitée par les marchés en 2017 aura précipité cette crise financière avec une augmentation du déficit budgétaire US de plus de 200 Md$. Cette anticipation de la dégradation des finances américaines a fait évidemment chuter le dollar sur l’ensemble de l’année, celui-ci retrouvant un niveau proche de 1,35$ pour 1€ en fin de période. Cette appréciation de l’Euro a donc aussi fortement pénalisé les croissances des entreprises européennes dont la croissance cette année va globalement finir à zéro en raison de quelques secteurs qui sont restés performants comme la technologie et la santé.

Enfin, les marchés auront également été impactés par des effets politiques négatifs, d’abord en Europe avec les élections italiennes qui n’ont pas permis de dégager de ligne politique claire avec la forte montée des partis extrémistes et enfin la lourde défaite électorale à mi-mandat (en novembre) de Trump qui lui interdit de mettre en place son train de réformes annoncées. La déstabilisation du Moyen-Orient avec l’invasion de la Syrie par l’Iran en Août et des frappes contre Israël ainsi que les nombreux tirs de missiles de la Corée du Nord ont ajouté un risque politique à cette nouvelle crise financière en augmentant fortement les primes de risques des marchés actions.
Ainsi sur l’année 2018, les performances des marchés ont été fortement baissières : -19,5% pour l’Eurostoxx50, -25% pour le CAC 40 et surtout -29% pour le DAX (baisse des valeurs exportatrices et prise de profits sur les valeurs cycliques avec la hausse de l’euro). A la différence de l’année 2017, le Dow Jones affiche aussi une forte baisse de -28% et le Nasdaq de -20%, ce dernier indice étant un peu protégé par la qualité des valeurs technologiques.

Les banques centrales ont une nouvelle fois précipité le mouvement baissier

L’accélération des taux US s’est accentuée dès le début de l’année 2018, le taux souverain 10 ans passant de 2,4% fin décembre 2017 à 4% fin décembre 2018. Cette crise financière 2018 a donc débuté par une nouvelle prise de conscience du risque de la part des gérants. La hausse des salaires américains de janvier a matérialisé le fait que le temps des taux souverains bas était terminé, les banques centrales ayant pratiquement toutes décidées de sortir de la politique accommodante. Même si ceci était connu des investisseurs, diverses réactions en chaîne ont précipité le marché à la baisse.
En dommage collatéral, alors que l’indice de volatilité était très faible sur toute l’année 2017 (entre 10 et 15%), il s’est élevé à plus de 35 début février et à 50 en Août lors de la prise de contrôle de la Syrie par l’Iran et des frappes contre Israël. Ceci a entraîné des retraits importants de liquidités et les fermetures de certains fonds « risk parity » (utilisation de la volatilité pour réduire le risque des portefeuilles). La crainte des investisseurs sur l’ampleur de la perte de ces fonds et ces possibles interactions à l’Asset Management en général ont accéléré l’impact négatif sur les marchés, mais moins que la faillite de Lehman Brothers n’en avait eu en 2008, puisque l’on estimait en début d’année que la taille de ces fonds pouvait représenter entre 300 et 500 Md$.
Après la première alerte de février, nous avons connu une remontée technique des marchés jusqu’à la première réunion de la FED présidée par le nouveau Président Jerome Powell. Son discours beaucoup plus agressif, affirmant que l’inflation augmentait désormais plus rapidement que prévu, a fait craindre aux investisseurs des remontées plus nombreuses qui entraîneraient des conséquences négatives pour la croissance américaine. La conviction que la Fed n’interviendrait plus en quantitative easing et la hausse de la dette publique US ont alors entraîné une nouvelle secousse sur les marchés boursiers américains. Les investisseurs ont immédiatement intégré que 2019 serait beaucoup plus difficile pour l’économie américaine, tirée en 2018 par les mesures fiscales. Sa plus faible croissance potentielle en raison du ralentissement de la productivité des entreprises a induit un arrêt des rachats d’actions, ceci ayant été une des raisons importantes de la hausse des marchés actions US au cours des dernières années. Ensuite la baisse initiée par les marchés US s’est progressivement transmise en Europe puisque les corrélations entre les marchés sont amplifiées dans la baisse.

En conclusion, la baisse n’a pas été liée à une crise liée à l’endettement du secteur privé, ni à la hausse des dette souveraines mais plus à un problème de valorisation partant des Etats-Unis et du ralentissement économique consécutif à la hausse des taux réalisée ou projetée. Les marchés ont réagi par anticipation comme en 2008 comme si le marché disposait bien en amont d’informations privilégiées.

Extensions des risques politiques

A partir du mois de février les tensions internationales ont également pesé sur les marchés financiers, Israël ayant mené une série d’attaques aériennes en Syrie, frappant des cibles militaires syriennes mais aussi « iraniennes ». Cette escalade s’est prolongée jusqu’en Août où la Syrie aurait demandé protection à son allié Iranien, plongeant alors la zone dans un imbroglio politique dangereux. La situation est restée très tendue sur toute l’année 2018 avec l’escalade entre Israël et l’Iran, la Russie et les Etats- Unis n’étant pas très loin de ce conflit.
Enfin, en Europe, les élections européennes de 2019 s’annoncent très délicates pour les pouvoirs en place avec la montée des extrémismes populistes allant tous dans le sens d’un regain de souveraineté et d’arrêt d’une politique européenne encore plus fédéraliste. Les élections italiennes de mars ont confirmé cette trajectoire. D’un point de vue économique, le retour au protectionnisme comme nouvelle politique économique prônée par les souverainistes met en difficulté les perspectives des grandes entreprises européennes. Ainsi même en France la liste majoritaire autour d’Emmanuel Macron pro-européenne qui va de Juppe à Cohn-Bendit en passant par ce qui reste du parti socialiste ne parvient pas à être majoritaire tout comme en Allemagne, conduisant à un affaiblissement de l’Europe.
L’investisseur se trouve face à des événements pour lesquels la connaissance objective est si imparfaite et floue qu’elle autorise les avis les plus opposés. Reconnaissons, à l’image de Keynes, notre ignorance : « en cette matière, (la valorisation des marchés), il n’existe aucune base scientifique permettant de calculer une quelconque probabilité (de ce qui vient d’être écrit !). Nous ne savons pas tout simplement. » Finalement nous devons toutefois contester l’ancienne théorie de l’efficience des marchés financiers pour la remplacer par celle d’une subjectivité irréductible !

 

Source : Lettre hebdomadaire n°17, lundi 31 décembre 2018 Jean-Noël VIEILLE – Chief Economist HPC membre du Groupe OTCex

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